Pôle
arts
visuels
Pays
de la Loire

Actions

Partager

Les structures culturelles à l’heure de l’accessibilité

Retour sur la journée « Comment améliorer l’accessibilité de nos projets de médiation et ateliers artistiques ? » organisée le 8 novembre 2021 à l’abbaye de Saint-Florent-le-Vieil.

18.02.2022

Les structures culturelles à l’heure de l’accessibilité — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Visite de l'exposition After summer de Julie Maquet lors de la journée « Comment améliorer l’accessibilité de nos projets de médiation et ateliers artistiques ? » à l’abbaye de Saint-Florent-le-Vieil. © Pôle arts visuels Pays de la Loire

Depuis l’instauration en 2005 de la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », dite Loi Handicap, tous les lieux de la vie publique, notamment culturels et scolaires, doivent devenir accessibles à tous et toutes. Comment prendre en compte les différentes déficiences au sein des structures culturelles ? Comment adapter ses actions de médiation aux besoins des personnes en situation de handicap ? Une journée spéciale, organisée par le collège Éducation artistique et culturelle du Pôle arts visuels Pays de la Loire, abordait points de vigilance, outils et bonnes pratiques, avec les interventions de Julie Legrand, historienne de l’art et médiatrice, David Durand, assistant d’élèves en situation de handicap au collège de la Durantière, Amandine Derout, responsable du programme handicap du Frac Normandie Rouen et Nine Hauchard, artiste.

Préalable
L’Organisation mondiale de la Santé distingue trois typologies de handicap : permanent, temporaire et situationnel. Il peut être moteur, sensoriel ou psychique. Toutes ces typologies sont à prendre en compte dans l’accueil des personnes en situation de handicap (PSH) dans le cadre de l’application de la loi de 2005. Après un délai supplémentaire, cette mise en application doit être effective dans toutes les structures publiques en 2025.
Pour les structures culturelles, il y a « trois points de vigilance », comme le souligne Julie Legrand : le cadre bâti, la facilitation à l’accès autonome aux œuvres et la communication. « Dans les années à venir, rappelle-t-elle, les classes que nous accueillerons en médiation ou en ateliers pratiques comprendront de plus en plus d’enfants en situation de handicap, puisqu’ils seront plus nombreux à être scolarisés dans le système éducatif dit classique. » Au-delà des enfants, un large public adulte doit être pris en compte, qu’il soit touché de manière individuelle ou via des associations et structures spécialisées.

Accès physique et communication
L’attention des structures est le plus souvent d’abord portée sur l’accès physique aux bâtiments. Celui-ci ne comprend pas seulement des adaptations architecturales pour les personnes à mobilité réduite (PMR) mais aussi des ajustements sur l’ambiance générale (luminosité, acoustique, signalétique, contraste des couleurs, mobilier de repos…). Si des normes existent et permettent d’accéder au label tourisme et handicap (c’est notamment le cas du Château des Ducs de Bretagne, labellisé pour quatre typologies de handicap), il est aussi possible de procéder de manière plus progressive, comme en témoigne Amandine Derout. « Si les PSH sentent qu’un effort est fait par un lieu, elles viennent plus facilement, même sans label », affirme-t-elle. Par ailleurs, pour être plus efficace, l’accès physique doit être accompagné de documents spécifiques, souligne Julie Legrand. Baliser le parcours depuis la gare ou un arrêt de tram, notamment à l’aide de photos et d’indications de temps de marche, facilite la venue des PSH.
La communication est un autre élément clé pour l’accessibilité. Les structures peuvent utiliser des outils compensatoires adaptés à chaque déficience : vidéos en LSF ou sous-titrées, documents audios ou en braille… Il existe aussi une méthode d’écriture « facile à lire et à comprendre » (FALC), établie dans le cadre d’un projet européen (expliquée ici http://santetresfacile.fr/files/regles_du_facile_a_lire_et_a_comprendre.pdf). Elle permet de rendre accessibles les supports à des personnes souffrant de déficience intellectuelle ou auditive, mais aussi de toucher des publics parlant peu ou mal le français. Pour pouvoir apposer un pictogramme FALC sur un document, il doit avoir été validé par un groupe de travail composé de personnes déficientes et de membres d’une association qualifiée. « Cela nécessite de l’anticipation », reconnaît Amandine Derout, pour qui le mieux est de contacter des associations que la structure a déjà accueillies. « Elles sont davantage motivées. De plus, elles peuvent profiter de ces savoirs pour leur propre fonctionnement », ajoute-t-elle.
Si la communication adressée aux PSH fait l’objet de supports spécifiques, elle peut tout de même être intégrée au programme général. C’est le choix du Frac Normandie, qui propose par exemple des visites accessibles à tous et toutes (formats courts ou accompagnés d’une traduction en LSF). « Tous les publics sont assez curieux de découvrir autrement une œuvre », souligne Amandine Derout. De même, une exposition née d’une action avec un public en situation de handicap, comme celle menée par Nine Hauchard avec l’IME l’Espoir en 2021, figure dans le programme général. Cette manière de procéder permet aussi de toucher des PSH qui n’accèdent pas aux documents de communication par le biais d’une structure spécialisée mais par les canaux ordinaires, notamment les réseaux sociaux.

Accueil individuel
Les configurations pour l’accueil de PSH sont multiples : en petits groupes accompagnés, intégrées dans un groupe de scolaires, individuellement… Préparer cet accueil passe aussi par un temps de prospection, souvent conséquent, auprès des associations spécialisées et des structures scolaires. Pour anticiper les besoins, les actions déjà mises en place par d’autres structures peuvent servir de ressources. « Le Hellfest a créé une page Facebook dédiée aux PMR-PSH, cite Julie Legrand, cela donne des exemples des questions qu’elles se posent. » Une autre donnée empêche selon elle de capter facilement l’ensemble de ce public multiple : « 80% des handicaps sont invisibles. » Sans compter que certaines PSH ne souhaitent pas se signaler. Face à cette situation, des pistes sont envisagées, comme celle de mettre à disposition des outils sans aller au-devant des personnes, ou de les évoquer systématiquement lors des médiations.
Pour rendre accessibles les œuvres de manière autonome, différents supports de médiation peuvent être conçus. S’ils sont le plus souvent ciblés (documents en braille pour les déficient-e-s visuel-le-s, boucles à induction pour les personnes appareillées…), ils peuvent aussi répondre à des besoins pluriels, pas toujours liés à un handicap : une description audio palliera une déficience visuelle mais aussi intellectuelle ; un document en version simplifiée comportant des repères dans l’espace guidera des déficient-e-s visuel-le-s mais aussi d’autres personnes ; une visite virtuelle permettra à quelqu’un ne pouvant pas se déplacer d’accéder à l’exposition mais tiendra également lieu d’archive. L’utilisation de QR codes, qui peut compenser la déficience visuelle (par le grossissement ou la lecture audio sur tablette) permet également de prolonger des médiations et ateliers pour tous les publics.

Accueil encadré
Dans le cadre d’actions organisées avec des structures spécialisées ou scolaires, le temps de préparation est primordial. « Il ne faut pas hésiter à demander un maximum d’informations aux accompagnateurs-trices, de présenter chaque individu et ses problématiques, s’ils et elles ont des besoins particuliers… », conseille Julie Legrand. Là encore, la médiation peut faire appel à des outils compensatoires, comme des plans thermoformés ou la reproduction d’œuvres en dessin contrastés pour les déficient-e-s visuel-le-s. La création d’un support pour recenser les mots complexes ou spécifiques à l’art contemporain (qui n’ont pas toujours de traduction en LSF) peut également faciliter l’accès des déficient-e-s auditif-ve-s. D’une manière générale, proposer les documents en téléchargement permet à chacun-e de préparer ou prolonger sa visite et la découverte des œuvres. « Vous accueillez des élèves une heure ou une matinée, explique David Durand, AESH au collège de la Durantière, mais ce que vous leur montrez va souvent servir de support pédagogique et va parfois rester en référence pendant des années. »
Pour autant, il n’y a pas de méthode infaillible pour accueillir des PSH, selon lui : « Il y a autant de protocoles que de personnes à accompagner. Les enfants peuvent présenter des troubles qui n’ont pas toujours été diagnostiqués, et leur comportement reste influencé par la vie quotidienne… » Son conseil : allier la préparation et l’improvisation, « être toujours à l’écoute et rester serein-e avec les situations ». Lors des visites de classes, la personne chargée de la médiation peut souvent s’appuyer sur les accompagnant-e-s, mais aussi sur les autres élèves, plus habitué-e-s au comportement de leurs camarades. « On peut être mal à l’aise avec les réactions sur-enthousiastes ou les cris de certains enfants, détaille David Durand. Il faut considérer que c’est une interaction sociale de plus à gérer. En général, lorsque l’artiste ou médiateur communique son propre enthousiasme, il capte l’attention des enfants. » Parler bien en face, ne pas hésiter à faire répéter la personne ou à chercher d’autres modes de communication facilite également l’implication des PSH dans la visite. Enfin, dans la conception des parcours de visite, il faut prendre en compte la fatigabilité, qui peut être liée directement aux déficiences mais aussi à la prise de médicaments ou au fait de rester statique.

Vers l’accessibilité universelle
Au-delà des outils et aménagements, rendre effective l’accessibilité aux PSH nécessite la sensibilisation et la formation du personnel. Des subventions sont également mobilisables pour monter des projets spécifiques. Si elles ont un coût, les adaptations des lieux culturels sont aussi l’occasion de changer le regard sur le handicap. « Plutôt que l’intégration des PSH dans notre environnement habituel, nous devrions viser l’inclusion », affirme Julie Legrand. Choisir cette approche, c’est considérer que l’environnement n’est pas adapté à leurs déficiences et non l’inverse. La diversité devient la norme et la structure s’adapte à cette diversité, visant ainsi une accessibilité universelle.

Pascaline Vallée