Editée à l’occasion de l’installation de Makiko Furuichi dans les combles de l’Abbaye Sainte-Croix, cette monographie bilingue français-anglais est davantage qu’un catalogue d’exposition. Sur une couverture toilée couleur crème se détache un Yōkai, créature espiègle du folklore japonais qui fait partie des motifs privilégiés de l’artiste. L’ouvrage reproduit des vues d’anciennes expositions, superposées à des images de détails agrandis en pleine page, des dessins préparatoires, et des aquarelles réalisées depuis 2020, avant de révéler, à la toute fin, l’installation conçue pour le musée des Sables-d’Olonne. De sa première exposition personnelle au Frac des Pays de la Loire en 2018 aux fresques de la cave troglodytique de la maison Ackerman, à Saumur, en 2021, l’artiste n’a eu de cesse d’explorer une peinture liquide agrandie à l’échelle de l’espace, jusqu’à devenir chambre, cabane, caverne, scène de théâtre ou jungle luxuriante. Le cahier central réunit deux textes de Gaëlle Rageot-Deshayes. La directrice du musée déplie dans un premier temps le parcours de l’artiste et les sujets qui jalonnent son travail (la grotte, les Yōkai, les masques, le rideau de scène, …). Avec poésie, elle cherche à retranscrire les conversations menées avec l’artiste : le climat ironique de ses histoires qui relève du niyari japonais, sorte de sourire en coin, son goût pour l’amorce plus que le développement, l’état de rêve éveillé, les sensations de brise et de moiteur qui affleurent de son travail. La conservatrice y mêle des références occidentales et évoque Jérôme Bosch, les Caprices de Goya ou les errances d’un singe serveur dans une vidéo de Pierre Huyghe. Le second texte, consacré précisément à l’installation Le vent, la vague, l’étoile – qui emprunte son titre à Baudelaire – se présente comme un article qui aurait été rédigé par un critique d’art découvrant avec émerveillement ce théâtre d’ombre aux allures de fond sous-marin. On y croise le pantin Pinocchio, le prophète biblique Jonas avalé par la baleine, mais aussi une légende nippone de poisson-chat géant qui répand le chaos autant que la prospérité. Des histoires « contée[s] dans un déluge de couleurs » qui « soufflent le chaud et le froid (…) effraient tout autant qu’elles séduisent ».
Ilan Michel