D’où venez-vous ?
J’ai grandi dans une famille d’artistes. J’avais 8 ans quand j’ai fait ma première gravure dans une MJC de Torcy, en Seine-et-Marne. Enfant, je dessinais tout le temps, je me racontais des histoires. Ma mère animait des ateliers d’arts plastiques en clinique psychiatrique. Mon père était scénographe. Je l’aidais à la régie des expositions et des spectacles. J’ai grandi dans le monde : il y avait plein de cultures différentes. Mon père est maltais de Tunisie, ma mère italienne. L’art est un vecteur d’émancipation.
Comment avez-vous atterri aux Beaux-Arts d’Angers ?
Je voulais quitter l’agitation de la région parisienne. À Angers, je suis passée de l’art à la communication : j’aimais l’illustration, la bande-dessinée, et j’avais besoin de cadres. En 4ème année, ma marraine m’a dit : « si tu aimes faire de la gravure, pars à Sarajevo. Ce pays va te faire grandir ». J’y suis revenue avec Mladen Strbac, étudiant bosnien de l’académie qui se formait à la gravure. Là-bas, ce sont les élèves qui gèrent les ateliers. Une formation intense et une expérience humaine inoubliables.
Que se passe-t-il à votre retour en France ?
A notre retour en France, nous hésitons : partir à Paris ? à Sarajevo ? Nous nous installons finalement dans la région où il y avait tout à faire. C’était aussi un endroit serein pour élever notre fils. En 2009, je monte un atelier de sérigraphie mobile avec l’association Atelier #808080. À Denée, nous créons, Mladen et moi, en 2011, la Galerie A avec l’artiste Anissa Allam-Vaquez pour promouvoir l’estampe et l’art contemporain. Nous nous sommes formés sur le tas, sans subventions au début.
Et OuOùOuh dans tout ça ?
En 2016, nous arrivons à Ingrandes et faisons évoluer le projet : résidences, atelier, expositions. Recommencer n’est jamais simple. J’avais appris la méthodologie de projet en lycée agricole où j’enseignais l’éducation socioculturelle depuis 2013. Très vite, je me rends compte que l’exposition repose sur le bénévolat. À 35 ans, je veux me recentrer. De quoi les artistes ont-ils besoin ? De produire des images qui peuvent circuler. Ici on valorise un savoir-faire et on rémunère les artistes.
Êtes-vous un organisme de formation ?
Non, nous avons d’abord travaillé avec Leafy en 2018 pour organiser des formations professionnelles autour de l’image imprimée. Depuis 2021, je travaille avec l’agence amac Nantes. Je suis la seule intervenante et je peux créer des formations sur mesure pour rendre les stagiaires vraiment autonomes. Stéphanie Monzon-Chauvat m’a rejoint pour dispenser les ateliers enfants. Les résidents sont accueillis à la Maison Julien Gracq et travaillent à l’atelier.
Comment le Pôle vous a-t-il aidée ?
Le dispositif TRAJET m’a permis de centrer le projet sur mes désirs. Je veux monter mon entreprise et avoir une économie. J’ai arrêté l’enseignement et relancé le projet seule, soutenue par un bureau et des adhérents amateurs d’art et d’estampes. Même si c’est dur de trouver un équilibre entre la pratique personnelle et la transmission, j’ai acquis ma liberté, sans culpabilité. Aujourd’hui j’ai l’impression d’être vraiment moi.
Entretien réalisé par Ilan Michel