«Mon but, c’est qu’il y ait de la vie, et que ça mélange les choses.»
Passé par les Arts déco à Paris, Nicolas Hérisson décide un beau jour de se poser à Piacé, village rural de 350 habitants, à 35 km du Mans. Il découvre le projet fou que Le Corbusier et Norbert Bézard avaient conçu pour le hameau, en réactive la mémoire, et s’appuie sur ce patrimoine pour inviter des artistes, des designers et des architectes.
Dès le départ, Nicolas Hérisson se singularise par ses choix, très précis en termes esthétiques, mais aussi par le maillage qu’il met en place, dans le village comme dans le milieu de l’art. L’homme mise beaucoup sur l’amitié et la débrouille : tout tient à l’énergie, entre esprit d’indépendance, idéologie alternative Do It Yourself et précarité financière.
Parfois c’est fragile, mais ça avance.
En une décennie, Piacé-le-radieux est devenu une référence : Nicolas Hérisson y a développé un centre d’interprétation qui devrait prochainement faire partie d’un parcours européen des lieux corbuséens, il a implanté une trentaine d’installations visibles dans l’espace public, et collaboré avec plus de soixante-dix artistes pour des expositions, des concerts, des performances. Les artistes François Curlet et Stéphane Vigny se sont installés dans le village et collaborent activement à l’aventure. Aujourd’hui, Nicolas Hérisson travaille sur deux bulles six coques de Jean-Benjamin Maneval et développe l’axe des micro-architectures, pour accueillir des artistes en résidence ou du public en chambre d’hôte. Il enseigne depuis peu aux Beaux-Arts du Mans, en théorie et histoire du design, et il y a fort à parier qu’il va vite orienter sa pédagogie façon Rural studio. Car dans le sillage de Samuel Mockbee, Nicolas Hérisson incarne une pensée utopique, mise en actes de façon réfléchie et pragmatique, mais toujours sous-tendue par un rêve existentiel, où l’art, le design et l’architecture bâtiraient des espaces à la taille d’une nouvelle condition humaine. Un engagement rare, joyeux et profondément généreux.
Eva Prouteau