→ Matière vive est un parcours expérimental d’accompagnement des artistes professionnel·les ou en voie de professionnalisation, en Pays de la Loire, sur-mesure, par étapes et à la carte, dans une dimension collective et individuelle s’appuyant sur un programme de compagnonnage pensé avec les professionnel·les de la région.
→ Porté par le Pôle arts visuels Pays de la Loire, Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire et s’adresse aux artistes en activité dans le champ des arts visuels et domicilié·es en Pays de la Loire.
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Chaque mois, le Pôle arts visuels Pays de la Loire met en lumière les lauréat·es sélectionné·es dans le cadre du dispositif Matière vive.
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Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Daniel Van de Velde, je suis né en Bourgogne en 1964 de parents néerlandais. J’ai passé mon enfance et mon adolescence en Champagnes-Ardennes. Mes pérégrinations campagnardes, avec une préférence marquée pour les forêts et les cours d’eau, couplés à un vagabondage dans la littérature, la philosophie, l’anthropologie, laissent germer en moi une approche de la poésie, de l’art et de la pensée que je ne dissocie pas d’un besoin de penser avec mes mains. Entre recours aux forêts et recours aux livres, j’ai élaboré une stratégie artistique qui me relie au vivant.
Depuis novembre 2023 je vis à Nantes et j’ai le sentiment que c’est exactement là où je dois être. Nantes est pour moi une ville ressource, dans une métropole ressource. Au sens où l’entend Bruno Latour dans son livre Où Atterrir ?, j’ai atterri à Nantes.
En tant qu’artiste, peux-tu présenter ton parcours professionnel ?
Là où la démarche artistique est cohérente, le parcours professionnel est chaotique. Je suis en cours de professionnalisation… Disons que j’intègre à ma démarche ce qu’être professionnel implique en termes de pratique, d’éthique et de sociabilité.
Comment se construit ta pratique personnelle ?
Ma pratique personnelle se construit en étant immergé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans ce qui relève de la culture.
L’œuvre qui a fait de moi le sculpteur que je suis devenu c’est le fameux Sight Point de Richard Serra à Amsterdam. Trois immenses plaques d’acier qui me semblaient d’une hauteur vertigineuse. J’avais huit ans. Autour de moi, mes parents, mon oncle et ma tante trouvaient cette œuvre très laide alors qu’elle me fascinait. J’ai absorbé mentalement la totalité du volume, de la masse et de la vue intérieure quand je me suis glissé entre les trois plaques et que j’ai regardé vers le ciel. Un vide ouvert et orienté que l’on retrouve si souvent dans mon travail.
Ma démarche, inscrite dans le prolongement des œuvres issues du minimalisme (et plus largement de tous les courants avant-gardistes d’après 1950), convoque l’impossibilité où nous nous trouvons collectivement de pérenniser une relation au matériau industriel conçu comme étant disponible à l’infini. Pour repenser un rapport de finitude au monde à l’ère de l’anthropocène, j’ai choisi de travailler l’arbre sous deux formes : comme élément inscrit dans la filière bois (travaux forestiers) ou bien comme élément ayant succombé aux intempéries (tempêtes, crues, incendies, etc.) et qui devient de ce fait un des marqueurs du dérèglement climatique.
Il ne m’était donc plus possible de partir d’une vision traditionnelle, figée de l’arbre mais de faire le vide pour trouver le juste milieu entre le naturel conçu comme un processus de production et l’intervention humaine conçue comme manière de dévoiler ledit processus. De concevoir l’arbre, par l’évidement (étymologiquement sculpter vient du latin scalpere qui veut dire : séparer, retirer – évider, éventer) et non plus en partant de la masse et de l’inertie. Ce faisant, je dévoile l’énergie nécessaire à la croissance de l’arbre en mettant à jour un certain nombre de cernes de croissance qui de ce fait ne sont plus du bois mais de la lumière fossilisée.
Côté poésie visuelle, je laisse la parole à Fabienne Fulchieri : « […] Dans ces textes typographiés, l’écriture ne vient plus servir une volonté d’expression ni de communication, s’éloignant en cela de son rôle initial, mais devient formes visuelles dont la vibration poétique traduit une multiplicité de possible. »
Peux-tu nous parler d’une résidence marquante / d’une exposition passée ?
La résidence qui m’a le plus marqué s’est déroulée au Japon, sur l’île de Shikoku, dans le cadre du « Kamiyama Artist in Residence Programm ». J’ai alors eu l’impression que tout se construisait hors langage avec des perceptions et compréhensions immédiates de ce que je mettais en jeu : vide, énergie naturelle, arbres, poésie visuelle. La syntaxe a laissé place aux prises de vue et de pensées sans intermédiaires.
En ce qui concerne les expositions, nombre d’entre elles ont été significatives. Je retiendrai toutefois l’exposition personnelle à l’abbaye Notre-Dame de Quincy sur une invitation de Jacques Py alors directeur du centre d’art de l’Yonne.
Nous nous sommes baladés ensemble sur le site et au cours du déjeuner qui s’en est suivi, Jacques Py, m’a demandé si j’avais une idée. Sans y avoir vraiment pensé, j’ai dessiné sur la nappe 3 croquis d’installations. Les images me sont venues en une fraction de seconde. Dix mois plus tard, les œuvres projetées sur une nappe étaient là bien vivantes sur le site.
Cela m’a toujours surpris que l’on puisse esquisser une sculpture sur une feuille de papier ou un écran d’ordinateur et que sa réalisation finale, concrète soit en accord avec ce qui est projeté. Une phrase de Daniel Buren dans son livre d’entretien avec Jérôme Sans (Au Sujet de… Entretien avec Jérôme Sans – Flammarion 1998) m’a beaucoup marqué : « On ne fait pas de l’art avec des idées, aussi bonnes soient-elles. » Une œuvre, surtout une sculpture, n’illustre pas, elle impulse un tempo, des résonances, une justesse de vue à partir de l’ensemble du territoire de l’art et des préoccupations contemporaines de l’artiste qui la laisse jaillir. Elle est une façon de penser à part entière. Cela ne m’a jamais quitté depuis.
Comment as-tu connu le dispositif Matière vive ? Et pourquoi as-tu souhaité être accompagné·e dans le cadre de ce parcours d’accompagnement ?
En effectuant des recherches sur internet j’ai dans un premier temps découvert le Pôle arts visuels des Pays de la Loire. Et lorsque l’appel à candidature du dispositif Matière vive est sorti, j’ai candidaté. Je souhaitais implanter mon activité artistique en Pays de la Loire. C’est chose faite grâce à Matière vive et aux rencontres organisées par le Pôle arts visuels. En moins d’un an, grâce au dispositif, j’ai pu rencontrer l’ensemble des acteur·ices de la scène artistique de la région et avoir une relation fructueuse avec les institutions. La visibilité de ma démarche a été considérablement accrue. J’ai développé de nouveaux outils de communication.
Suite à ces premiers mois au sein du parcours d’accompagnement Matière vive, peux-tu nous dire quels ont été les effets sur ton parcours professionnel ? Que retiens-tu des différentes étapes et rencontres du dispositif ?
Ce qui relevait du bricolage professionnel est devenu professionnalisation. Je n’appréhende plus de candidater pour des 1 %, mes démarches administratives sont devenues fluides. Le dispositif d’accompagnement Matière vive a été remarquablement bien pensé. J’aurais beaucoup aimé pouvoir intégrer ce genre de dispositif en début de carrière !
Comment le travail en groupe nourrit-il ton parcours d’accompagnement ?
La dynamique du groupe est au centre du parcours. Les liens qui se tissent relèvent des affinités avec certain·es membres du groupe. J’ai pu réaliser du troc avec une ou deux lauréat·es : tu m’aides pour mon portfolio, je t’aide pour mettre en mots ta démarche.
As-tu quelques actualités à nous partager ?
Je travaille actuellement sur un projet titanesque autour d’un arbre tombé dans le parc du Val de Chézine avec le soutien de la municipalité de Saint-Herblain et de Nantes-Métropoles. Une œuvre articulée sur l’ensemble d’un territoire qui implique des chantiers d’art à ciel ouvert, des conférences, des ateliers pédagogiques et la production d’une œuvre d’envergure modulée au gré des lieux d’accueil et des manifestations. Ce projet court sur 3 ans.
En outre, d’octobre à novembre 2025, dans le cadre du dispositif In-Situ, j’interviendrai au collège du Pont Rousseau à Rezé.
De nombreux projets sont en cours de construction, j’espère pouvoir en dire plus prochainement !
Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire