Comment êtes-vous devenu artiste ? Qu’est-ce qui vous a mené de l’Éthiopie à la Sarthe ?
Enfant, je voulais être archéologue. Lorsque je suis arrivé en France, vers l’âge de 10 ans, j’ai découvert toute une culture de l’image, que l’on retrouvait dans la bande dessinée, mais aussi en rapport avec la contre-culture (qu’elle soit européenne ou américaine), dans le graphisme, les arts visuels en général… Je venais d’un des rares pays africains qui ne soit pas une civilisation du totem et du masque, mais de l’image. L’ imagerie traditionnelle y est très riche, et cette tradition de l’image se décline même sous une forme thérapeutique, avec les talismans, sujet qui m’intéresse au plus haut point. Les différents usages de l’image que j’ai découverts en France m’ont beaucoup intéressé et cela m’a ôté l’envie de fouiller archéologiquement pour explorer artistiquement.
Je me suis installé ici un peu par hasard. En France, j’ai d’abord vécu dans la Beauce, puis les Pyrénées Orientales, avant de rejoindre Angoulême pour l’école d’art. Ensuite, j’ai vécu en Seine-et-Marne avant d’arriver en Sarthe, en 2011. Je ne voulais pas trop m’éloigner de Paris, mais aussi trouver une zone rurale plus vivante que celle où j’étais installé en Seine-et-Marne.
Qu’est-ce qui vous donne envie de créer une œuvre ?
Dans la trajectoire que je prends depuis quelques années, c’est le projet qui guide la forme. Selon sa nature, le projet peut mener à un livre, un film, un objet en volume… Mon questionnement général porte de plus en plus sur le pouvoir des images. Non pas la portée de notre regard sur une œuvre ou une image, mais le fait que l’œuvre nous regarde et suscite une interaction. C’est un des principes de l’art traditionnel magique et thérapeutique éthiopien auquel je m’intéresse. Ce questionnement rencontre différents sujets. Le travail que j’ai présenté en 2019 à Piacé-le-Radieux Bézard – Le Corbusier, s’appelait « Images des Mystères / être témoin de l’inexplicable ». Il s’agissait d’explorer à ma façon le caractère mystique, voire indicible, qu’on peut donner aux images, sans chercher à percer ce mystère. C’est cette envie qui me conduit actuellement dans mes œuvres.
Vous venez d’adhérer au Pôle Arts Visuels. Que représente ce réseau pour vous ?
J’ai découvert ce réseau il y a quelques années. J’y trouve des informations intéressantes, comme auprès d’autres réseaux hors de la région. Au sein du Pôle, se discutent de nombreuses questions qui se posent aux acteurs du monde de l’art en général. J’ai longtemps travaillé comme illustrateur pour la presse et l’édition, où les interlocuteurs étaient très souvent hiérarchisés. Je trouve intéressant d’être en contact avec différents acteurs du secteur, et de ne pas rester seulement entre producteurs d’œuvres ou d’images.
Entretien réalisé par Pascaline Vallée