Vous êtes actuellement chargée de projets au centre d’art Le Grand Café, à Saint-Nazaire. Pouvez-vous renseigner votre parcours antérieur ?
J’ai débuté mes études par une Hypokhâgne option arts plastiques : à l’époque, je me suis découvert une passion pour l’histoire de l’art, et j’ai ensuite mené un double cursus d’histoire de l’art et de droit à Paris I. J’ai aimé le côté transversal de ce programme, mêlant art et questions de société, mais le marché de l’art ne m’intéressait pas. C’est au côté de l’équipe d’art press que j’ai confirmé mon attrait pour l’art contemporain. À l’issue d’un stage de six mois au Centre Pompidou-Metz au service communication, j’ai façonné mon profil professionnel. En travaillant là-bas en étroite complicité avec les pôles production et programmation, je me suis rendu compte que c’était réellement ce que je voulais faire. Dans mon premier poste au Frac Centre, où je fus chargée des expositions et de la communication, je m’occupais essentiellement des expositions hors les murs, avec cette collection atypique, entre art et architecture, qu’il m’a fallu faire découvrir à un public peu habitué à l’art contemporain. J’ai adoré la dimension humaine : créer du lien sur un territoire et partir à la rencontre de partenaires. Mais là encore, ce qui me stimulait le plus, c’était d’être auprès des créateurs pour la production : c’est ainsi que j’ai postulé pour venir travailler au Grand Café en 2015. Mon métier, qui varie en fonction des invitations artistiques, tient beaucoup du compagnonnage : je ne m’y ennuie jamais.
Quels sont à vos yeux les principaux atouts de ce centre d’art ?
Ce qui est génial au Grand Café, ce sont les moyens de production et une liberté assez incroyables qui sont offerts aux artistes, avec un régisseur ouvert à toutes les expérimentations. Par ailleurs, la possibilité de programmer dans ce lieu exceptionnel qu’est le LiFE, qui possède une échelle hors norme, est une chance inouïe.
Avec ces cinq années de recul, pourriez-vous faire une rapide analyse des évolutions en cours ou à venir, et des pistes de travail émergentes au centre d’art et au LiFE ?
Les mouvements amorcés ces dernières années ont été consolidés, lors de la fusion LiFE et Grand Café en 2019, qui a changé l’organigramme, ce qui a permis à la directrice Sophie Legrandjacques d’imaginer un nouveau projet artistique avec davantage de projets liés à l’expérimentation et au soutien à la recherche. Nous allons aussi continuer à développer les projets sur le territoire, tel que Rendez-Vous demain, programme de découverte de la scène artistique en région Pays de la Loire, et mettre le réseau du centre d’art au profit d’artistes, émergents ou non, du territoire. Plus une attention renouvelée envers les publics avec la création d’un véritable « service des publics ».
Les éditions et les commandes de textes à des critiques d’art vont également se renforcer, ainsi que l’éditorialisation de contenus via des entretiens vidéo et la valorisation des archives. En général, nous réfléchissons à de nouvelles temporalités, afin de proposer aux artistes des expériences au long cours, à l’instar du dispositif Substrat, visant l’accompagnement d’une chercheuse ou d’un chercheur : après Marie-Laure Viale, c’est Florence Meyssonnier qui mène une résidence pendant deux ans. Son exploration se concentre sur la potentialité du vivant dans la création contemporaine et privilégie la recherche active : prenant pour sujet d’analyse la Brière, elle veut proposer des séminaires, inviter un géologue spécialiste de la tourbe, un avocat et bien sûr, des artistes. Dans ce type d’approche, la logique productiviste s’efface au profit de la transmission des savoirs. Personnellement je suis convaincue que la question écologique, au quotidien, doit se poser pour chaque lieu de diffusion qui doit parvenir à des applications plus vertueuses.
Pouvez-vous évoquer l’exposition actuelle du Grand Café, Chroniques de l’invisible ?
Ce fut un véritable challenge en terme de production ! Le projet curatorial de Guillaume Désanges remet en question l’œuvre dans l’espace public, à travers les notions d’invisibilité, de rumeur, de clandestinité.
Les réponses des artistes à son invitation furent très stimulantes et variées : au-delà du centre d’art, nous sommes par exemple intervenus sur les forges de Trignac, patrimoine industriel non accessible au public, nous avons aussi installé des œuvres en pleine nature nécessitant de sortir de nos habitudes de production.
L’exposition a été revigorante puisque nous avons dû réaliser un travail de prospection sur le territoire élargi autour de Saint-Nazaire qui ouvre de nouvelles perspectives notamment en lien avec des environnements naturels proches au-delà d’une vision purement industrielle de la ville.
Quels sont vos liens avec le collège Accompagnement du Pôle Arts Visuels ?
J’ai continué à participer aux activités de ce collège, menées en ce moment par Léna Chevalier et Guillaume Bassompierre, avec un nouveau chantier de taille qui concerne les assurances. Mais plus largement, le Pôle Arts Visuels m’a permis de rencontrer d’autres acteurs et de me poser des questions sur l’écosystème dans lequel j’évolue. Le Pôle permet de penser des problématiques durables : la rémunération et les conditions des travailleur.euse.s de l’art, la production dans l’art ou l’écologie.
Eva Prouteau