→ Matière vive est un parcours expérimental d’accompagnement des artistes professionnel·les ou en voie de professionnalisation, en Pays de la Loire, sur-mesure, par étapes et à la carte, dans une dimension collective et individuelle s’appuyant sur un programme de compagnonnage pensé avec les professionnel·les de la région.
→ Porté par le Pôle arts visuels Pays de la Loire, Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire et s’adresse aux artistes en activité dans le champ des arts visuels et domicilié·es en Pays de la Loire.
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Chaque mois, le Pôle arts visuels Pays de la Loire met en lumière les lauréat·es sélectionné·es dans le cadre du dispositif Matière vive.
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Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Sophie Baudry, je suis plasticienne depuis une dizaine d’années. Ma pratique se compose de formes brodées de fils à plat en volume, d’images photographiques et de textes. Installée à Nantes depuis la fin de mes études et à Rezé plus récemment, je suis originaire de Batz-sur-mer, en presqu’île guérandaise. J’ai grandi dans un village, les pieds dans les marais salants, les mains dans la vase, les fesses dans l’eau.
En tant qu’artiste, peux-tu présenter ton parcours professionnel ?
J’ai débuté mes études supérieures par un bref passage en faculté d’arts plastiques, une année de licence qui a confirmé mon attrait pour les arts visuels. Par la suite, persuadée d’avoir un goût certain en matière de mode, j’ai mystérieusement réussi le concours d’entrée en mise à niveau d’arts appliqués. Puis malgré des notes très moyennes mais grâce à une lettre de motivation convaincante je suis finalement entrée en école de design de mode au sein de la renommée capitale du style, Cholet. J’y ai trouvé ce qui allait devenir mon médium principal : la broderie. J’en ai découvert tout le potentiel en passant deux années de DMA broderie au lycée professionnel de Rochefort. Ma vie professionnelle a ensuite démarré par quelques collaborations avec les métiers de la haute couture et le mariage en particulier. J’ai eu la chance de croiser le chemin d’un créateur sensible à ma créativité. C’est ainsi que j’ai eu la chance d’expérimenter en accessoirisant et en ornant quelques robes de mariées exubérantes. De plus, parallèlement à mon activité d’artisane, j’ai poursuivi la démarche artistique que j’avais amorcée pendant mes études et qui m’enthousiasmait de plus en plus.
Mon désir de faire de l’art mon métier s’est confirmé lors de ma participation aux accrochages des expositions organisées par le collectif Open-it aux alentours de l’année 2017. À cette occasion, j’ai rencontré nombre d’artistes plasticien·nes de la région, en ai assisté certain·es et ai eu l’opportunité de visiter leurs ateliers. Cette immersion m’a donné le courage de reprendre mes études et de terminer le cursus Arts Plastiques option Recherche amorcé à l’université dix ans plus tôt. Le passage par le Master m’a permis de comprendre quelle direction je souhaitais donner à ma démarche artistique. Le principal obstacle à ma professionnalisation était alors le sentiment de ne pas avoir assez de production et de ne pas avoir encore mûri suffisamment dans mon parcours d’artiste.
Comment se construit ta pratique personnelle ?
Très sensible aux langages littéraire et cinématographique, je compose un tissu narratif de bribes de romans qui n’existent pas encore, de recherches sémantiques et stylistiques, de photographie, et de broderie. Influencée par le récit modianien, je travaille avec les creux que laisse la mémoire, les faux souvenirs et les impressions fugaces. Je pense mes pièces comme des entités en cours de métamorphose et en expansion perpétuelle, sans début et sans fin, faites de mouvements fluides, de reliefs émergents du vide en couleurs et en matières, réactifs à la lumière et aux humeurs. Je conçois mes broderies de peinture à l’aiguille et autres compositions textiles comme les expressions de mes décors intérieurs. Un salon Louis XV confiné accueille une adolescente qui mâche un malabar, une crique de la Méditerranée se dilue dans une avalanche de neige. Autant d’atmosphères qui émergent par fragments d’images et de fils brodés et qui deviennent d’autres paysages en lévitation.
Peux-tu nous parler d’une résidence marquante / d’une exposition passée ?
Ma première exposition officielle a eu lieu dans les vitrines du collectif Open-it. Elle a marqué la manière dont je souhaite aborder la monstration de mon travail. L’idée d’ancrer mes pièces dans un environnement constituant le décor avec lequel elles interagissent m’intéresse beaucoup. Chacune des vitrines était ainsi respectivement tapissée d’un tissu de velours rouge brique, bleu ciel et vert émeraude, participant à la composition du récit de l’exposition « Décor intérieur jour ». Les retours positifs reçus à l’occasion du vernissage m’ont également donné envie de réitérer l’expérience aussi souvent que possible dans des lieux aux identités marquées avec lesquels faire dialoguer mes futurs projets.
Comment as-tu connu le dispositif Matière vive ? Et pourquoi as-tu souhaité être accompagné·e dans le cadre de ce parcours d’accompagnement ?
J’ai appris l’existence de Matière vive par un ami qui connaissait ma situation de « débutante » dans le paysage des arts visuels. Il m’a semblé que ce dispositif d’accompagnement pouvait m’aider à définir ma place dans le champ de l’art contemporain ainsi qu’à adopter une méthode efficace de recherche de partenaires et d’appels à projets. De plus, travaillant seule chez moi, je commençais à sérieusement manquer d’espace et d’interactions sociales. C’est pourquoi j’ai perçu la possibilité de participer à cette expérience collective comme une opportunité à saisir. Par ailleurs, je sentais que ma pratique commençait à manquer d’oxygène.
Suite à ces premiers mois au sein du parcours d’accompagnement Matière vive, peux-tu nous dire quels ont été les effets sur ton parcours professionnel ? Que retiens-tu des différentes étapes et rencontres du dispositif ?
Le programme m’a aidée sur tous les aspects de ma pratique.
J’ai pour la première fois posé ma candidature pour des résidences de recherche et création. En effet, guidée et conseillée sur la manière de constituer un dossier, j’ai également appris à cerner les appels à projet qui correspondaient à mon profil. Cela m’a aussi permis de trouver les voies d’accès à l’enseignement, une dimension de ma vie professionnelle qui me tient particulièrement à cœur. Je propose donc depuis peu des ateliers d’initiation à la broderie et assume désormais la fonction de formatrice technique pour les artistes au sein de l’agence amac.
Les rendez-vous individuels m’ont permis de définir mes besoins dont celui de bénéficier d’un atelier. Ainsi, j’ai pu investir un espace de travail au sein des ateliers du Plongeoir. Je m’y suis environnée de mes documents de recherche, du sol au plafond, composant ainsi enfin le décor propice à de nouvelles formes plastiques et textuelles. J’y côtoie quotidiennement de nombreux·ses artistes aux pratiques passionnantes et qui stimulent par de riches échanges mon désir créatif et mon envie de collaborations artistiques.
Qui plus est, ma participation au dispositif Matière vive a elle-même abouti à une collaboration. En effet, l’une des artistes du groupe, Cécilia Obouo, et moi-même avons postulé à un appel à projet d’exposition/résidence au sein de la Galerie Hors-Champ à Loire-Authion et pour lequel nous avons reçu une réponse favorable.
Encore pratiquement inconnue sur le territoire en tant qu’artiste, ma participation au Petit marché de l’art organisé par Le Rayon vert – compagnon du dispositif – a représenté une étape importante de mon parcours en termes de reconnaissance professionnelle. De plus, c’était aussi ma première expérience d’exposition collective et de mise en dialogue de mes pièces avec celles d’autres artistes.
Comment le travail en groupe nourrit-il ton parcours d’accompagnement ?
Sur le plan humain, je suis profondément reconnaissante d’avoir été sélectionnée pour participer à l’expérience Matière vive. On peut dire qu’entre nous toutes et tous « la mayonnaise a pris ». Et j’aime à penser que les liens de solidarité, d’estime et d’amitié que nous avons tissés continueront de nous porter ensemble face à l’adversité d’un obscurantisme politique destructeur et désespérant pour la culture et la société.
As-tu quelques actualités à nous partager ?
Mon travail est actuellement présenté dans le cadre de l’Exposition collective tri-annuelle des mini-textiles, intitulée Tisser le futur, au musée Jean Lurçat à Angers. Celle-ci est visible jusqu’au 4 janvier 2026.
De septembre à octobre 2025 je serai en résidence de recherche et création au sein de la Maison du projet de la Caserne Mellinet à Nantes. Cela donnera lieu à une exposition allant du 20 novembre au 20 décembre 2025.
Enfin, comme évoqué précédemment, je serai en résidence/exposition en duo avec l’artiste Cécilia Obouo à la galerie Hors-Champ, à Loire-Authion, du 25 octobre au 9 novembre 2025.
Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire