→ Matière vive est un parcours expérimental d’accompagnement des artistes professionnel·les ou en voie de professionnalisation, en Pays de la Loire, sur-mesure, par étapes et à la carte, dans une dimension collective et individuelle s’appuyant sur un programme de compagnonnage pensé avec les professionnel·les de la région.
→ Porté par le Pôle arts visuels Pays de la Loire, Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire et s’adresse aux artistes en activité dans le champ des arts visuels et domicilié·es en Pays de la Loire.
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Chaque mois, le Pôle arts visuels Pays de la Loire met en lumière les lauréat·es sélectionné·es dans le cadre du dispositif Matière vive.
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Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Cécilia Obouo. Je suis une artiste plasticienne franco-ivoirienne. Actuellement, mes médiums sont le dessin, le collage et la sérigraphie.
J’habite depuis 2024 à Saint-Nazaire, avant cela j’ai passé plusieurs années en région parisienne et à Strasbourg. Quelques mois après mon installation, je découvre encore ma ville et ses alentours. C’est un territoire que je ne connaissais absolument pas et beaucoup d’endroits attisent ma curiosité et stimulent mon imaginaire comme la zone portuaire, les chantiers navals ou encore le parc naturel régional de Brière. Vivre au bord de la mer est également une richesse que j’expérimente pour la première fois.
Depuis juillet 2024, j’ai intégré le Projet neuf à Saint-Nazaire. Il s’agit d’un lieu pluridisciplinaire réunissant plusieurs artistes avec des espaces d’ateliers. On y partage des ressources mais aussi des expériences de notre parcours artistique. C’est un espace d’expérimentation très libre et ouvert où se déroulent de nombreux événements durant l’année. Je pense y proposer prochainement des interventions autour de l’édition/impression par l’intermédiaire de la sérigraphie notamment. Ces événements seront ouverts à toutes et tous.
Quel est ton parcours professionnel ?
Si je dois remonter le temps, je crée et surtout je dessine depuis toute petite. À l’adolescence, mes centres d’intérêts se sont élargis et j’ai pu pratiquer le théâtre et la danse, la céramique ou encore les émaux sur cuivre. Cependant, ce n’est qu’en fin de terminale que j’ai compris que je voulais me professionnaliser en tant qu’artiste.
Malgré ces prémices, le parcours qui m’a menée où je suis aujourd’hui a été sinueux et a nécessité beaucoup de remises en question et de batailles. Après le lycée, j’ai effectué une année de MANAA – Mise à Niveau en Arts Appliqués en région parisienne puis j’ai intégré la HEAR – Haute école des arts du Rhin à Strasbourg en bijou contemporain. Trois années difficiles durant lesquelles je n’ai pas trouvé ma place dans l’école, le sens de ma pratique m’échappait et j’ai douté du bien-fondé de mon choix de devenir artiste. J’ai décidé de quitter l’école après trois ans et j’ai pris une année sabbatique pour être plus au clair sur mes projets. J’ai travaillé pendant un an en tant que vendeuse à Paris et j’ai intégré l’année suivante une double licence en histoire de l’art-droit à la Sorbonne dans l’idée de devenir conservatrice ou avocate.
Lors de ma quatrième année, j’ai effectué un stage de direction artistique au Bénin qui a été un tournant dans ma vie. En participant à l’organisation d’un festival et à l’accompagnement d’artistes, j’ai réalisé que je n’étais pas à la bonne place et que je devais ressortir mes crayons. J’ai interrompu mes études et repris mon parcours artistique là où je l’avais laissé quelques années plus tôt. Les années qui ont suivi ont été marquées par la découverte de la sérigraphie, les problèmes de santé et l’exploration de ma pratique jusqu’à ma sélection à Matière vive
Comment se construit ta pratique personnelle ?
Je fonctionne beaucoup à l’intuitif et à l’expérimentation dans ma pratique artistique. C’est souvent le medium qui détermine la forme que va prendre l’œuvre et non l’inverse. Je crée principalement en série, mes projets fonctionnent comme des familles qui se répondent.
Mon langage graphique est basé sur la répétition : même forme, même geste, mêmes couleurs. On y retrouve de façon récurrente des traits et des lignes, des aplats. J’ai un travail principalement abstrait. J’ai l’impression que cela me donne la possibilité de pleinement me concentrer sur l’étude des formes, des couleurs et de la matière. J’utilise des crayons, du papier coloré, de la sérigraphie pour créer des expériences sensorielles.
Comment as-tu connu Matière vive ? Et pourquoi as-tu souhaité être accompagnée dans le cadre de ce parcours d’accompagnement ?
J’ai entendu parler du dispositif Matière vive par l’intermédiaire de Virginie Lardière de l’agence amac. Je souhaitais bénéficier de leur accompagnement mais je ne remplissais pas les critères. Elle m’a alors conseillé de candidater au dispositif et c’est ainsi que j’ai découvert le Pôle arts visuels. À la lecture de l’appel à candidature, je me suis dit « Enfin un appel à projet qui correspond à qui je suis, à ce dont j’ai besoin et dont je ne me sens pas exclue à cause de mon CV peu conventionnel ! ». J’ai vu cela comme une main tendue, l’aspect sur mesure promettait de me faire avancer à partir de l’endroit où j’étais, à mon rythme, et ce malgré mon parcours sinueux. Je voyais également ce dispositif comme l’opportunité de tisser un réseau dans ma nouvelle région d’accueil.
Suite à ces premiers mois au sein du parcours d’accompagnement Matière vive, peux-tu nous dire quels ont été les effets sur ton parcours professionnel ? Que retiens-tu des différentes étapes et rencontres du dispositif ?
Depuis 2018, l’année au cours de laquelle j’ai décidé de reprendre mon parcours artistique, jusqu’à ma sélection au dispositif Matière vive, le processus a été très lent. Je commençais à me décourager et me dire que ce n’était décidément pas fait pour moi. Mais, à partir de 2024, Matière vive a été un véritable tremplin. Il s’est passé plus de choses durant ces neuf derniers mois qu’en cinq ans. Matière vive m’a ouvert des portes que je n’aurais peut-être pas pu ouvrir seule ou que j’aurais mis beaucoup plus de temps à ouvrir.
Je trouve, à titre personnel, que le dispositif est challengeant. J’ai tendance à avoir une aversion aux risques et à créer dans mon coin. Le programme m’a poussé à candidater, à contacter des personnes qui pourraient m’aider, à rendre visible mon travail et à m’exposer.
C’est un processus qui prend du temps et va encore maturer mais j’ai l’impression que le dispositif m’a aidé à reprendre confiance en moi. Il participe à un mouvement de « légitimation » de mon travail.
Avec le soutien de Matière vive, j’ai pu obtenir une bourse de recherche et création de la ville de Saint-Nazaire me permettant d’amorcer un nouveau projet. J’ai également pu participer à une exposition collective au Rayon vert à Nantes et à une résidence de création à la Générale, maison du projet de la caserne Mellinet, à Nantes également. J’ai aussi beaucoup appris sur le statut d’artiste, ses droits et l’écosystème artistique durant les journées de formation et les rencontres avec des professionnel·les. Je me sens mieux armée même si j’ai conscience que toutes ces informations devront être éprouvées durant mon parcours pour être assimilées.
Comment le travail en groupe nourrit-il ton parcours d’accompagnement ?
Au départ faire partie d’un groupe n’a pas été évident puisque j’ai l’habitude de travailler en solitaire mais j’ai appris à m’ouvrir petit à petit au fil des réunions. J’ai vraiment pu discerner la force du collectif durant la journée de lecture collective. En effet, en groupe nous avons pu restituer les informations de deux livres complets en une seule journée. J’ai réalisé qu’en réunissant les connaissances de chacun·e nous pourrions être plus fort·es et aller plus loin.
Ce qui m’a particulièrement aidée et touchée également, ce sont les échanges avec les autres membres du groupe : les moments d’encouragement et ceux où j’exprime mes doutes et mes peurs. Je me rends compte que peu importe nos avancées, nous vivons des expériences similaires. C’est aussi la visite de quelques membres du groupe durant ma résidence à la Générale. Leurs regards portés sur mon travail et leur enthousiasme m’ont donné beaucoup de force. S’esquissent aussi des projets en commun pour les mois à venir.
As-tu quelques actualités à nous partager ?
Je viens de terminer une résidence de création de deux mois (novembre-décembre 2024) à la Générale, maison du projet de la caserne Mellinet à Nantes. Une expérience assez riche et symbolique car c’est ma première résidence. Cela faisait longtemps que je voulais vivre cette expérience : connaître cette période d’immersion dans un projet précis. Je trouve que ce dispositif donne un cadre temporel et spatial qui est stimulant : un espace non familier est comme une page blanche qui permet de prendre du recul sur ma démarche. J’ai un travail assez solitaire, j’ai donc apprécié de pouvoir occuper seule un grand espace. Je crois que ça m’a confortée dans mon envie d’entreprendre de plus grands formats dans le futur. Le temps est passé très vite, ce qui a créé une certaine frustration. J’étais très exigeante envers moi-même au niveau de la production d’œuvres et j’ai dû être plus souple et accepter que je ne suis pas une machine. Cette résidence donne lieu à une restitution : du 16 janvier au 7 février 2025 se tiendra mon exposition personnelle Paysages émotionnels. Ce sera un pas de plus dans l’implantation au sein de ma nouvelle région d’accueil grâce à la visibilité que cela va m’offrir.
Je ressors de cette expérience avec l’impression de me sentir un peu plus légitime en tant qu’artiste, dans le fait que l’on m’accorde de la confiance et que l’on porte un intérêt à mon travail.
Après l’exposition, je vais poursuivre mes recherches artistiques avec le projet Croisements. C’est un projet sur le port autonome de Saint-Nazaire, une zone aux allures industrielles qui m’intéresse pour ses formes standardisées et ses couleurs. Cela passera par la photo, le dessin et la réalisation de grandes sérigraphies sur tissu. Ce projet est rendu possible grâce à la bourse de création de la Ville de Saint-Nazaire.
Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire