→ Matière vive est un parcours expérimental d’accompagnement des artistes professionnel·les ou en voie de professionnalisation, en Pays de la Loire, sur-mesure, par étapes et à la carte, dans une dimension collective et individuelle s’appuyant sur un programme de compagnonnage pensé avec les professionnel·les de la région.
→ Porté par le Pôle arts visuels Pays de la Loire, Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire et s’adresse aux artistes en activité dans le champ des arts visuels et domicilié·es en Pays de la Loire.
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Chaque mois, le Pôle arts visuels Pays de la Loire met en lumière les strutures et acteur·ices qui contribuent au compagnonnage dans le cadre du dispositif Matière vive.
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Sophie, pourriez-vous nous présenter brièvement Le Grand Café – centre d’art contemporain (actions, missions, équipe, programmation…) ?
Le Grand Café est un centre d’art contemporain d’intérêt national situé à Saint-Nazaire. Il conçoit, produit et présente 3 à 4 expositions par an, dans et hors ses murs, qui peuvent être des monographies ou des projets thématiques. Ses missions concernent la production d’œuvres, ainsi que l’accompagnement d’artistes, parfois accueilli·es en résidence au centre d’art. Le Grand Café soutient également la jeune création, via des partenariats avec des structures de diffusion locales ou nationales, et la recherche avec « Substrat », dispositif d’accompagnement à destination des doctorant·es en histoire de l’art. Il participe de manière active aux programmes d’éducation artistique et culturelle de son territoire (Saint-Nazaire et la communauté d’agglomération) et déploie un important projet de médiation en direction d’un large public. L’équipe est composée de 10 permanent·es (direction, administration, régie, production/recherche, médiation, communication) et de quelques renforts ponctuels (médiation, régie).
Le Grand Café est situé à Saint-Nazaire. Quel lien entretenez-vous avec ce territoire ? Quelles en sont, selon vous, les particularités ? Comment ce territoire infuse la programmation et le travail de certain·es artistes ?
Depuis son origine, Le Grand Café invite des artistes à travailler sur son territoire et à interroger ses particularités : une ville industrielle reconstruite après la seconde guerre mondiale et située à l’embouchure de la Loire, entre l’Atlantique et les marais de Brière. Je vois ce contexte comme une ressource, un poste d’observation pour penser le monde d’aujourd’hui, ses évolutions par le prisme sensible de l’art. L’esprit des lieux infuse plus ou moins les projets des artistes, par l’entremise de multiples rencontres sur le territoire allant de savoir-faire aux habitant·es elles et eux-mêmes engagé·es dans des projets singuliers.
Vous êtes fortement investie dans le dispositif Matière vive, tant en tant que membre du comité de suivi qu’à travers le compagnonnage. Qu’est-ce qui a motivé cet engagement de votre part ?
La conviction qu’il est nécessaire d’expérimenter de nouvelles façons de travailler ensemble, entre acteur·ices, au service des artistes dans une vision ouverte du territoire. Matière Vive pense le soutien aux artistes sous la forme d’un accompagnement professionnel multifacettes, sur une durée longue et à une échelle régionale. Le dispositif propose aux artistes un parcours sur mesure, une trajectoire avec un déroulé. De son côté, le Grand Café voulait expérimenter un nouveau dispositif de soutien pour jeunes diplômé·es des écoles d’art des Pays de la Loire, sous la forme d’une coopération entre acteur·ices nazairien·nes. Nous avons pensé que croiser avec un·e lauréat·e du programme Matière vive faisait pleinement sens parce que nos dispositifs relèvent au fond de la même philosophie.
Dans le cadre de Matière vive vous avez invité Anne Lebréquer en résidence. Pourriez-vous nous présenter ce projet plus en détail ?
Le Grand Café (structure de production), les Ateliers du Château d’Eau (structure de résidence) et MEAN (espace de diffusion) se sont associés pour accompagner Anne Lebréquer, jeune diplômée de TALM Angers sur un projet de création. Nous avons mis en commun nos ressources (financières ou logistiques) et nos compétences pour permettre à cette artiste de séjourner en résidence à Saint-Nazaire. Elle a bénéficié gratuitement d’un atelier pendant quelques mois aux Ateliers du Château d’eau, l’équipe du centre d’art (la chargée de projet, le régisseur et moi-même) l’a accompagnée dans la production de nouvelles sculptures, en vue de son exposition du 22 mars au 23 avril prochain à MEAN, un espace de diffusion privé (il s’agit de l’atelier de l’artiste Carole Rivalin) situé dans le quartier ouvrier des Chantiers.
Vous avez également adressé une invitation à Anna Picco et France Parsus pour l’événement Rendez-vous demain #3 ? En quoi consiste cet événement ?
Initié par Le Grand Café en 2018, « Rendez-vous demain » est un programme de découverte de la scène artistique en région Pays de la Loire pour des professionnel·les nationaux·ales. Il comprend des visites d’ateliers et d’expositions ainsi que des rencontres d’autres acteurs et actrices de la vie artistique régionale. Fin 2024, la troisième édition de « Rendez-vous demain » accueillait les professionnel·les Julien Arnaud, commissaire d’exposition à l’ADAGP et directeur d’édition, Adélaïde Blanc, commissaire d’exposition indépendante (anciennement au Palais de Tokyo), Guillaume Lasserre, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant et Nathanaëlle Puaud, responsable des expositions et des résidences à la Galerie (Noisy-le-Sec) et coprésidente d’Arts en Résidence. Les artistes bénéficiant du programme étaient Olivier Garraud, France Parsus, Anna Picco, Geoffroy Pithon, Julien Quentel et Céleste Richard-Zimmermann. Les professionnel·les invité·es ont découvert le travail de chacun·e de ces artistes, dans leur propre atelier ou dans un espace prêté par une structure partenaire, ce qui a donné lieu en amont à un travail de préparation pour cet exercice, nouveau ou inhabituel pour ces artistes : quelles œuvres montrer ? comment les présenter ? comment parler de mon travail ?
Comment définiriez-vous le concept de compagnonnage en quelques mots ?
Je vois le compagnonnage comme une forme de relation qui suppose un travail sur une durée étendue, et dont la finalité n’est pas uniquement la réalisation d’un événement public de type exposition. C’est un processus d’immersion dans un environnement professionnel qui doit permettre à l’artiste d’avancer dans sa pratique et dans la connaissance des milieux dans lesquels elle ou il exerce cette pratique. On parle de compagnonnage intellectuel, technique, professionnel…toutes ces facettes se cumulant au sein du parcours proposé par Matière vive.
Selon vous, en quoi l’accompagnement des artistes dans le cadre de Matière vive contribue-t-il à structurer le secteur des arts visuels dans son ensemble et à professionnaliser l’ensemble de ses acteurs et actrices ?
Matière vive est un dispositif structurant car il matérialise et rend visible la chaîne de compétences présente en région. Il fait grandir le secteur car c’est le seul dispositif qui fédère un nombre aussi important d’acteur·ices. Il y a quinze ans on aurait pensé un événement de type « Nuit de l’art contemporain » pour rendre visible le réseau de diffusion. Avec Matière vive, on s’écarte des publics pour remettre au centre l’artiste, ses besoins, son parcours professionnel et celles et ceux qui interagissent directement avec lui : les lieux de diffusion, production, etc… Cela permet à chaque acteur·ice de s’impliquer à partir de ses compétences propres. De fait les artistes croisent une chaîne d’acteur·ices très divers et apprennent à se repérer dans ce paysage.
Comme toutes les parties prenantes forment une chaîne, chacun·e est poussé·e à prendre sa part de responsabilité, parfois à s’interroger sur ses pratiques et ses compétences. Le compagnonnage pousse à une forme d’exemplarité, chacun·e est tiré·e vers le haut, c’est en cela que le dispositif professionnalise tout le monde.
L’accompagnement proposé par Matière vive permet-il, selon vous, de renouveler le regard porté sur la dynamique du réseau et les partenariats potentiels entre les structures ?
L’esprit du dispositif pousse à une forme de collaboration transversale, comme on parle en architecture d’une coupe transversale qui permet de voir les liaisons entre les différentes parties du bâtiment. Si je pense au projet de Saint-Nazaire, il génère des alliances entre des structures de taille et de nature différentes : un espace privé, d’autres publics, des lieux associatifs et une institution. En un sens cela déconstruit et déhiérarchise les partenariats habituels qui réunissent des structures/acteur·ices semblables. Là nous avons raisonné davantage en termes d’écosystème local dans un esprit proche de l’économie sociale et solidaire et l’entre-aide qu’elle suppose. Je crois que le principe même du compagnonnage favorise des formes de coopération entre acteur·ices.
Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire