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Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot

25.03.2025

Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Portrait Blandine Berthelot – Crédit : Bruno Alause

→ Matière vive est un parcours expérimental d’accompagnement des artistes professionnel·les ou en voie de professionnalisation, en Pays de la Loire, sur-mesure, par étapes et à la carte, dans une dimension collective et individuelle s’appuyant sur un programme de compagnonnage pensé avec les professionnel·les de la région.
→ Porté par le Pôle arts visuels Pays de la Loire, Matière vive est soutenu par la Fondation de France et la Région Pays de la Loire et s’adresse aux artistes en activité dans le champ des arts visuels et domicilié·es en Pays de la Loire.

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Chaque mois, le Pôle arts visuels Pays de la Loire met en lumière les lauréat·es sélectionné·es dans le cadre du dispositif Matière vive.

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Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Blandine Berthelot, je suis artiste plasticienne. Je vis et travaille à Nantes depuis 25 ans. La création m’accompagne depuis toujours, mais pour être plus précise je développe une pratique artistique – sculpture et installation – depuis 2019.

En tant qu’artiste, peux-tu présenter ton parcours professionnel ?

Mon parcours pour devenir artiste a été long et tortueux. Fille d’agriculteur et d’agricultrice, j’ai grandi en Bretagne dans les années 80/90, à une vingtaine de kilomètres de Rennes dans la ferme familiale. L’accès à l’art et à sa pratique était donc limité voire inexistant. Mais une ferme n’est pas qu’un lieu isolé de « la culture », c’est aussi un environnement très riche de matières, de gestes, de savoir-faire… À l’âge de 6 ans j’ai été diagnostiquée dyslexique. Ce trouble a eu des répercussions importantes sur la suite de mon parcours. Cette dyslexie, cette inadaptation à l’enseignement classique, je pense l’avoir compensée très tôt en développant une sensibilité accrue à la matière, à la lumière, aux formes et aux couleurs ainsi qu’à une appétence pour l’expression plastique et les questionnements existentiels.

Après avoir finalement obtenu mon bac économique et social, je m’installe à Nantes pour suivre des études en design produit et espace à l’école Pivaut. Rapidement, je comprends que je suis attirée par le travail d’atelier. Je décide alors de réaliser mon stage de dernière année dans une entreprise de création de fabrication de luminaire en métal. Pour mon examen de fin d’étude, je présente un mémoire à mi-chemin entre design, art et autofiction. Un récit très personnel qui porte déjà les questionnements qui animent ma pratique actuelle. À la suite de cette formation, je sais que je ne travaillerai pas en tant que salariée dans le domaine du design. Je veux porter mes propres projets de création.

Je co-crée et co-développe alors, durant une dizaine d’années, une marque de bijoux contemporains diffusée à l’international. L’atelier, le travail de la matière (la résine polyester), l’expérimentation (forme, couleur) mais aussi la mise au point de processus de production sont au cœur de notre activité.

En 2017, le besoin de poursuivre seule mon chemin, en autodidacte, à travers une démarche artistique devient une nécessité. S’ensuit une période de recherches personnelles, d’expérimentations de différents médiums. Les premiers pas de ma pratique sont encouragés et accompagnés par une amie, ancienne élève des Beaux-Arts de Nantes, et par mon compagnon. Début 2020, je m’installe dans un atelier en centre-ville de Nantes. Je rentre également en contact pour la première fois avec le Pôle arts visuels. En découlent les premières rencontres professionnelles, aides à la création, résidences et expositions.

Ces premières années en tant qu’artiste plasticienne ont été à la fois marquées par une conviction profonde d’être à ma place à travers ma pratique artistique et à la fois par le sentiment de ne pas maîtriser les codes de ce milieu, de ne pas vraiment en faire partie. La maturité que j’ai pu acquérir au fil des années, m’aide à dépasser petit à petit ce sentiment inconfortable et à cultiver ma singularité.

Comment se construit ta pratique personnelle ?

Ma pratique artistique œuvre comme une forme d’autofiction, de réappropriation de mon héritage familial, culturel et esthétique. J’y explore de façon analytique mes origines agricoles, bretonnes et catholiques que j’ai très longtemps cherché à fuir. Mon processus de création commence la plupart du temps par l’exploration d’un souvenir, d’un geste, d’une matière, d’un sentiment lié à mon passé. De là, je commence un travail d’enquête, de recherche ethnographique, de collectage de matières, de témoignages, d’archives, d’objets liés à ma famille ou plus largement au monde agricole. Cette phase de recherche me permet de mieux comprendre mon histoire en la resituant dans un contexte géographique, historique et politique plus large.

Abreuvoirs pour animaux, plaques d’acier rouillées provenant de la ferme familiale, empreintes de moules à beurre traditionnels anciens, ficelle agricole en polypropylène de la ferme de mon cousin… ces éléments sont à la fois un témoignage d’une ruralité disparue et vivante.

Dans un second temps, cette matière collectée viendra s’articuler, se mêler à la cire, véritable fil conducteur de mon travail. Celle-ci, dans un cycle infini de fonte et refonte, symbolise la régénération et la transformation, elle agit comme une substance réparatrice. L’assemblage de ces différents éléments bruts, sans artifice, dans une recherche de simplicité et d’efficacité fait émerger une forme de poétique de l’esthétique paysanne.

Au travers de propositions hybrides, entre installation, sculpture et mise en espace d’archives, je mets en place un jeu avec les matériaux et les gestes, avec les liens entre générations, avec la mémoire, les absences, et la honte aussi. En replaçant mon histoire personnelle au sein de l’histoire collective, en la transformant, en la racontant, une forme de réconciliation devient alors possible.

Peux-tu nous parler d’une résidence marquante / d’une exposition passée ?

En 2022, j’ai réalisé une première résidence d’un mois à l’atelier Alain Le Bras à Nantes, résidence soutenue par la Ville de Nantes. C’était pour moi une belle opportunité à saisir : ma première candidature, ma première bourse de création et des rencontres professionnelles importantes pour la suite de mon parcours. Lors de cette résidence, j’ai travaillé à la fois sur la mise en espace de mon travail et sur le projet d’une grande couronne en cire. Ce projet n’a pas abouti mais il m’a permis d’apprendre beaucoup sur cette matière et sur la nécessité d’expérimentation dans le processus de création.

Mon exposition, Ruminations, à la galerie le Rayon Vert à Nantes à l’été 2024, a également été – du fait de sa taille – une étape importante de mon parcours. J’ai pu y présenter de nouvelles œuvres réalisées pour l’occasion, tester la mise en espace d’archives et de nouvelles pistes de travail. Cette exposition a été soutenue par la Région des Pays de la Loire et le Département de Loire Atlantique.

Comment as-tu connu le dispositif Matière vive ? Et pourquoi as-tu souhaité être accompagné·e dans le cadre de ce parcours d’accompagnement ?

J’ai eu connaissance du dispositif Matière vive via le Pôle arts visuels. J’ai tout de suite su que j’allais candidater. Travaillant seule dans un atelier individuel depuis le début de ma pratique, je me sentais très isolée. De plus, de par ma formation en arts appliqués et mon parcours professionnel, il me manquait un réseau, des connaissances techniques, des regards extérieurs sur mon parcours. J’ai vu dans Matière vive une opportunité exceptionnelle de répondre à ces manques.

Suite à ces premiers mois au sein du parcours d’accompagnement Matière vive, peux-tu nous dire quels ont été les effets sur ton parcours professionnel ? Que retiens-tu des différentes étapes et rencontres du dispositif ?

Il y aura pour moi un avant et un après Matière vive. Un an s’est écoulé depuis le début du dispositif, son impact sur mon parcours est déjà tangible. Il m’a apporté visibilité et légitimité, en m’aidant à affirmer mon travail et à l’ancrer dans un réseau plus large.
Matière vive s’est révélé être un formidable facilitateur de rencontres professionnelles, ouvrant mon réseau à de nouveaux territoires. J’ai ainsi pu établir des liens avec des structures comme Le Kiosque à Mayenne, le FRAC des Pays de la Loire, le MASC – Musée de l’Abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne, le service culturel de Mauges-sur-Loire, ou encore la galerie RDV à Nantes. De ces rencontres sont nés des projets d’exposition, de résidence et d’EAC – Éducation Artistique et Culturelle, projets aujourd’hui en cours de construction. Ces mises en relation sont essentielles au développement de mon activité. Les rencontres métiers sont également très riches et permettent une meilleure compréhension de l’écosystème des arts visuels en région. Par ailleurs, le dispositif a été un véritable accélérateur de connaissances techniques et administratives. Les ateliers m’ont permis d’approfondir des notions clés comme la contractualisation ou encore le droit d’auteur, ce qui m’a conduite à m’inscrire à l’ADAGP par exemple. Grâce au compagnonnage, je bénéficierai également d’un accompagnement individuel pour m’aider à la structuration d’un projet EAC prévu fin 2025. Autant d’outils et de conseils concrets qui renforcent mon autonomie professionnelle.
En résumé, Matière vive est une expérience déterminante qui me permet de gagner des années d’apprentissage. Le dispositif m’apporte des ressources précieuses, une compréhension claire du milieu et des opportunités. Je mesure la chance de faire partie de cette aventure, notamment dans le contexte culturel actuel.

Comment le travail en groupe nourrit-il ton parcours d’accompagnement ?

Dès le début du parcours, j’ai senti que je sortais enfin d’une forme d’isolement. Sans pouvoir réellement l’expliquer, la rencontre avec les artistes du dispositif a eu sur moi un effet apaisant. Peu habituée aux dynamiques de groupe, je tisse progressivement des liens avec les autres artistes, y compris en dehors du parcours. Ces moments informels nous permettent de découvrir nos univers respectifs. Plus largement, les échanges sur nos pratiques, nos difficultés et nos questionnements créent un espace rassurant et bienveillant où je trouve du soutien et de l’écoute. Les journées Matière vive et le travail en groupe m’apportent un rythme, une énergie et des perspectives qui m’aident à rester mobilisée et confiante malgré la précarité et les difficultés inhérentes au parcours des artistes. Je crois sentir, au sein du groupe, l’envie de faire perdurer cette dynamique. La forme reste à inventer, mais dans cette période où la culture est mise à mal, se retrouver, échanger et se soutenir m’apparaît plus que jamais essentiel.

As-tu quelques actualités à nous partager ?

Je viens d’intégrer en ce début d’année, le fonds documentaire « Réseau d’artistes en Pays de la Loire ».
En mai prochain, je vais suivre une formation professionnelle intitulée « Les techniques du moulage : du prototype au tirage », proposée par le centre de formation Leafy à Nantes.
Enfin, entre novembre et décembre 2025, dans le cadre d’un CLÉA (contrat local d’éducation artistique), je vais réaliser une résidence d’un mois ainsi que des ateliers de médiation et de pratiques artistiques avec des classes de CE2, CM1 et CM2 à Mauges-sur-Loire et sur la commune de Montjean-sur-loire (49).

Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
La fillette, 2024, cire végétale, paraffine, polystyrène expansé, chanvre, 23 x 25 x 64 cm – Vue de l’exposition Ruminations, 2024, Galerie le rayon Vert, Nantes – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Vue de l’exposition Ruminations, 2024, Galerie le rayon Vert, Nantes – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Spézet, 2024, cire végétale, paraffine, coton, acier, ruban adhésif, 160 x 160 cm. (Motifs d’après les moules du pardon du beurre de Spézet (29) par Vincent Flejou) – Vue de l’exposition Ruminations, 2024, Galerie le rayon Vert, Nantes – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Le jour du cochon, 2023, acier, coton, végétaux, polypropylène, 210 x 190 x 90 cm – Les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes, 2023 – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Un fagot, 2023, acier, bois, cire, paraffine, polyester, 46 x 51 x 110 cm – Les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes, 2023 – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Cochon, 2023, laiton, 19 x 14 cm – Les Ateliers de la Ville en Bois, Nantes, 2023 – Crédit : Bruno Alause
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Photos et archives familiales, extraits de livres, notes, plans, correspondances…, 2024, dimensions variables – Vue de l’exposition Ruminations, 2024, Galerie Le Rayon Vert, Nantes – Crédit : Bruno Alause
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Après le rituel, 2019, installation : miroir, bois, laiton, mélange paraffine et cire, fleur en tissu, dispositif sonore, 110 x Ø 300 cm – Ateliers de La Ville en Bois, Nantes, 2019 – Crédit : Blandine Berthelot
Matière vive – Portrait d’artiste, Blandine Berthelot — Pôle Arts Visuels Pays de la Loire
Après le rituel, 2019, installation : miroir, bois, laiton, mélange paraffine et cire, fleur en tissu, dispositif sonore, 110 x Ø 300 cm – Ateliers de La Ville en Bois, Nantes, 2019 – Crédit : Blandine Berthelot

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